Nous parlerons ici des obligations d’Etat. Ce sont elles qui sont communément utilisées pour couvrir les portefeuilles et surtout les obligations US. Nous verrons plus bas pourquoi.
Nous allons casser tout suspens et répondre directement : les obligations servent à protéger votre portefeuille d’une forte volatilité et par extension directe de réduire le risque de perte du portefeuille. Voilà leur utilité première. Mais celles-ci peuvent également être utilisées comme réserve de cash rémunéré lors des baisses ou des krachs. Nous allons approfondir ceci plus bas !
Concernant la performance il est vrai qu’elle reste faible comparativement aux actions. Mais dans une obligation il faut prendre en compte deux composantes : le prix du coupon (de l’intérêt) que l’on vous verse et la variation du cours de l’obligation. Par exemple, les obligations moyen terme 10 ans USA (ETF BND), donnent à ce jour un intérêt de 1.72% par an. Moins que l’inflation, selon les années. Cependant, à ceci s’ajoute la performance de l’actif (son cours de bourse en fonction du temps). Il est a noté que depuis 10 ans, la performance des cours annualisés de ces obligations est de 3.84% par an soit bien plus que l’inflation en globalité. Pourquoi j’évoque souvent les obligations US moyen terme 10 ans ? Plus la durée de l’obligation est courte moins cette dernière sera volatile et moins sont intérêt sera important. Cela signifie que plus l’échéance est courte, moins le rendement global (coupon + variation du court) est important. En effet, sur une plus courte période, le risque que l’Etat fasse défaut pour rembourser l’obligation est considéré comme plus faible. A contrario, plus la durée de l’obligation est longue, plus celle-ci sera volatile et donc avec une meilleure performance des cours lors des hausses. Et le coupon ? Il est plus important ? Pas forcément mais souvent oui. En effet, il est déjà arrivé que les rendements à 10 ans étaient plus important qu’à 25 ans. Ceci n’augure rien de bon lorsque cette configuration est présente et persiste. Par exemple, les obligations US à 25ans (ETF TLT) ont un coupon actuel à 2,52% et ont une performance annualisée de 6.61%. On voit bien : plus la durée est longue, plus la performance semble importante. Alors pourquoi ne pas couvrir son portefeuille avec des obligations à 25 ans ? Comme dit plus haut, celles-ci sont plus volatiles et exposent donc à une perte plus importante en cas de baisse. Autres inconvénients de ces obligations : leur durée. Vingt-cinq ans, c’est très long ! Cela veut dire que l’échéance moyenne des obligations dans votre ETF est de 25 ans. Cela signifie donc une moindre adaptation aux cycles économiques. Dans un environnement obligataire globalement baissier comme c’est le cas aujourd’hui (on attend toujours la remontée des taux et on attend de voir combien de temps cela va durer), cela peut paraître profitable en effet, car si les coupons diminuent, les obligations à 25 ans vont prendre en valeur nominale. En effet, les anciennes obligations émises ayant plus de valeur que les nouvelles, on essaye d'acquérir les anciennes plus profitables donc la demande surpasse l'offre. Cependant, dans un environnement haussier des coupons, la valeur nominale de ces obligations baissera d'autant plus vite, selon la même problématique inverse.
C’est pour toutes ces raisons, volatilité, réaction au marché que les investisseurs utilisent plutôt les obligations moyen terme pour couvrir le portefeuille. Ok mais pourquoi US ? Les USA sont considérés comme les meilleurs débiteurs. Quand l’argent afflux, il va d’abord aux USA puis retombe en Europe si cela déborde.
L’utilisation des obligations réduit ce qu’on appelle le drawdown, le point bas du portefeuille lors des crises financières et peut permettre d’avoir de meilleures performances. Voici un exemple pour 2008 et 2000-2018 (le portefeuille 1 est 60% ETF world et 40% ETF obligations et le portefeuille 2est 100% ETF world. Source : portfofliovizualiser.com) :
Vous remarquez que le portefeuille avec obligations (bleu)performe mieux qu’un 100 % ETF monde (rouge) durant 18 ans ! Et oui, c’est encore une fois contre-intuitif. (Note : le 60-40 est réajusté en 60-40 à chaque début d’année pour garder la même répartition).
Oui mais en 2020 lors du krach, les obligations n’ont pas joué leur rôle me direz-vous. C’est vrai. Mais ce n’était pas un krach financier. C’était un krach mais externe à la finance. Le dernier krach financier reconnu par les professionnels est celui de 2008. Les obligations se sont, jusqu’à lors toujours comportés comme en 2008 lors des krachs purement financiers.
Par ailleurs, il est vrai que ce dogme de couverture par les obligations est largement remis en question par les temps qui courent. Baisse des coupons, augmentation de la volatilité générale, politique monétaire faisant courir un krach obligataire. Selon moi, nous avons tous tendance, analystes compris, à raisonner court/moyen terme, à l’instant T et pour les5-10 années à venir. L’histoire à maintes fois prouver la force des obligations d’Etat dans la couverture des portefeuilles. Mais encore une fois, nous ne sommes pas à l’abri d’un changement de paradigme. De toute manière, dès que les analystes s’en rendront compte et s’accorderont, cela sera trop tard. Alors que faut-il faire ? À défaut de pouvoir lire l’avenir nous pouvons nous baser uniquement sur ce que nous connaissons : l’histoire et le bon sens. Quand je dis bon sens, je parle de la compréhension des interactions des différents acteurs de la finance et du lien avec l’économie. Pas de l’interprétation ou de la prévision des analystes. Cependant, nous sommes d’accord que les performances passées ne préjugent pas des futures. Néanmoins, les comportements passés, eux, peuvent servir de base pour préjuger du futur. Et c’est ceci le plus important. Nous sommes humains et il est extrêmement difficile de modifier un comportement, quel que soit le domaine. Finance, travail, vie personnelle, modifier un comportement dépend de tellement de paramètres intrinsèques et extrinsèques qu’il est, de manière innée, difficile à modifier. Cela nécessite une grande capacité d’auto-observation et d’autocritique mais ceci demande beaucoup d’entrainement et ne peut généralement pas se faire seul. Socrate, déjà à son époque, faisait ces observations et utilisait sa pédagogie que l’on a appelée de nos jours "socratique" afin de faire réfléchir ses élèves sur eux-mêmes, leurs questionnements, leurs comportements. On parle de questionnement socratique. Ce qu’il faut retenir, c’est que les comportements passés sont hautement prédictifs des comportements futurs et ce, quel que soit le domaine. Si vous pensez aux risques de récidives en matière pénale, à Balkany, à Cahuzac … oula je m’égare…
Pour illustrer la volatilité et donc le risque, voici un schéma vous donnant le risque (la volatilité) en fonction de la répartition actions/obligations du portefeuille. Vous observerez qu'une exposition 100% d’obligations est plus risquée qu’une exposition 50% actions – 50% obligations. Cela fait sens, car vous n’êtes pas diversifié et prenez tous les risques des obligations sans avoir de contrepartie avec des risques différents et souvent opposés.
Pour finir, on a parlé plus haut d’utiliser les obligations pour réduire le risque ou comme réserve de cash en cas de baisse ou de krach. En fait, l’utilisation d’une ou l’autre stratégie dépend de ce que vous entendez par risque. Si comme Warren Buffet, le risque est défini pour vous comme une perte de 100% du capital, alors vous pouvez utiliser les obligations court terme, qui auront une petite performance mais resteront très stables et vous permettront d’acheter plus d’actions lors de krach ou de baisse prolongée. Je n’aime pas cette stratégie dans le sens où ne nous jouons pas avec les mêmes capitaux que Warren Buffet et dans le sens où je considère le risque comme une perte de chance à composer des intérêts. En effet, avec la stratégie de Warren Buffet, le portefeuille s’expose à de plus gros points bas et est touché par le bêta slippage pour l’année suivante. Quèsaco ? Lorsqu’un portefeuille baisse de10%, il faudra faire 11.2% pour rattraper la baisse. Lorsqu’un portefeuille baisse de 5%, par exemple grâce à vos obligations, il faudra faire 5.27%. Vous voyez que plus la perte est grande, plus l’écart à la hausse par rapport au chiffre de la baisse est important (1.2 point pour 10% versus 0.27 point pour5%. On pourrait se dire qu’on aurait besoin de 0.54 point de plus pour rattraper 10% : 2 fois 5%. Mais non, il faut bien plus : 1.2 point).Cela s’appelle le bêta slippage. Si vous partez de plus bas, il vous faudra une plus grosse performance pour revenir à l’équilibre et c’est en ça que je parle de perte de chance à composer des intérêts. Autre problématique pour moi avec le portefeuille de Warren Buffet, on introduit la notion de timing de marché. Quand le marché baisse, comment savoir que la baisse ne va pas aller plus loin ? Quand vous avez les capitaux de Warren Buffet, cela ne changera rien à votre vie car le seuil de significativité par rapport au coût de la vie est atteint depuis longtemps. En effet, 1% de 1 million n’est pas aussi significatif pour votre vie de tous les jours que 1% de 1 milliard. En outre, même si Warren Buffet utilise cette stratégie pour acheter lors des baisses, il n’en reste pas moins qu’il utilise en parallèle une autre stratégie pour se couvrir justement d’un phénomène de baisse prolongée : l’utilisation d’options. Nous pourrons en parler dans un autre post, cela reste à ce jour l’outil le plus puissant de la finance et par la même occasion bien plus rentable que les cryptomonnaies (oui, il y a plus rentable que les cryptos et avec moins de risque / volatilité). L’utilisation des options est un sujet passionnant !
Que retenir ? J’espère avoir pu vous expliquer le plus clairement possible la thèse de l’utilisation des obligations pour les investisseurs paresseux que nous sommes ! Note : oui c’est bien d’être un lazy investor en bourse, c’est comme cela qu’on fait partie des 5% des gagnants sur le long terme.